Wikivoyage

Publié par Hamelin de Guettelet le lundi 25 février 2013

En juillet 2003, Evan Prodromou et Michele Ann Jenkins créent un site internet destiné au voyage : Wikitravel. Basé sur le principe du wiki et utilisant le logiciel MediaWiki, ce site participatif a pour objectif de faire vivre le projet d'un guide touristique dont le contenu est libre car placé sous licence Creative Commons Share-Alike. Rapidement Wikitravel se développe en 10 langues (Wikitravel en français est créé en février 2004) et comprend au total environ 12 700 destinations touristiques. Le développement rapide du site provoque l'intérêt de groupe Internet Brands Inc. - un des premiers opérateurs de commerce électronique centré sur les voyages - qui négocie sa reprise auprès des créateurs. Le 20 avril 2006, Internet Brands devient propriétaire de Wikitravel contre l'avis de la communauté. 31 des 48 administrateurs germanophones de Wikitravel décident de créer un fork sous le nom de Wikivoyage. En septembre 2006 est créée l'association Wikivoyage e.V. grâce aux dons des contributeurs, elle acquiert le nom de domaine et opère elle-même son serveur, et dès décembre 2006 existe un Wikivoyage de langue allemande suivi un an plus tard de la version italophone.

Parallèlement au rapprochement de Wikivoyage avec La Wikimedia Foundation, effective en octobre 2012, Internet Brand voyant son site Wikitravel, placé sous licence libre, pillé de toutes ses données au profit de Wikivoyage, intente le 24 août 2012 une action contre deux de ces contributeurs, William Ryan Holliday et James Heilman, qui transversent du contenu de Wikitravel vers Wikivoyage. Wikimedia Foundation assure la défense de ces deux contributeurs. À son tour, l'association entre Wikivoyage e.V. et la Wikimedia Foundation étant officielle, la Foundation intente à son tour une action contre Internet Brand. Pour clore toutes ces actions en justice, un accord est conclu le 14 Février 2013 entre toutes les parties ; Wikivoyage peut maintenant se développer sans entrave ni contrainte.

Wikivoyage c'est aujourd'hui 11 versions linguistiques :
  • en anglais : 27 151 articles,
  • en allemand : 13 044 articles,
  • en portugais : 3 818 articles,
  • en néerlandais : 3 281 articles,
  • en français : 2 699 articles,
  • en polonais : 2 587 articles,
  • en italiens : 2 451 articles,
  • en russe : 1 859 articles,
  • en suédois : 1 462 articles,
  • en espagnol : 1 217 articles,
  • en roumain : 574 articles.
que je me suis empressé de comparer sur trois destinations que je connais bien pour les pratiquer régulièrement ou tout récemment, un pays, Malte, une capitale, Lisbonne, une station de randonnées en montagne ou de sports d'hiver, Chamonix ... Et c'est l'effroi ! Des liens commerciaux, des informations erronées, dépassées, incomplètes ... Rien qui puisse être utile à un voyageur qui voudrait préparer son voyage. Le principe de base est bien respecté : « les voyageurs obtiennent souvent leurs meilleures informations des autres voyageurs » et en refusant l'appui du texte, chaque voyageur donne aux autres voyageurs potentiels sa propre vision en toute partialité. Cela me rappelle les avis sur les hôtels donnés par des consommateurs aigris ou des propriétaires enthousiastes, comment se faire un avis au milieu de tant de désinformations ou d'informations intéressées ?

Pour Chamonix, un article en anglais plus complet que celui en français mais dans tous les cas, un grand foutoir où se mélange, les activités d'été et d'hiver, les différents villages de la vallée, des adresses plus publicitaires que caractéristiques de la vie chamoniarde avec un superbe spam « Le Chalet de Chamonix, vous attend ... Nous vous proposons ce magnifique chalet à 2 pas de Chamonix, totalement équipé pour 8 personnes avec un jardin de 700 m2. Retrouvez l'ambiance chaleureuse d'un chalet de montagne et venez découvrir les joies de la montagne hiver comme été à Chamonix ... avec le Mont Blanc toujours en vue. Plus d'informations sur notre site internet (supprimé ici, NDR). », manque juste le prix ! Rien qui puisse encourager un voyageur à faire un détour par Chamonix, et pourtant c'est « La Mecque des Alpes » ; on y trouve le top two du ski alpin avec la descente de la Vallée Blanche depuis l'Aiguille du Midi et les pistes ou hors-pistes des Grands Montets à Argentière ou les plus belles courses en montagne, d'été comme d'hiver, sur les plus beaux glaciers des Alpes.

À Lisbonne, une foultitude d'adresses qui ne se recoupe que trop rarement sur les 5 Wikivoyages en français, en anglais, en allemand, en espagnol et évidemment en portugais ; mais aucune de ces adresses qui vous font comprendre une ville et le mode de vie de ses habitants. Par exemple, rien sur les boutiques de conserves de poisson, la Conservaria de Lisboa, ou mieux ce bar populaire qui occupe une ancienne boutique de pêche, Sol e Pesca, où vous pouvez accompagner votre verre de vin de l'Alentejo d'une conserve de thon à l'huile piquante, de sardines fumées ou d'anguilles à l'escabèche. Rien ou si peu sur les pastelarias où vous pourrez déguster des cornetas ou des patéis de nata accompagnés d'un mélange original de chá (thé) ou d'un bica (café serré) torréfié sur place comme à l'Antiga Confeitaria, la Confeitaria Nacional, la Cultura do Chá ou le Cafe Bénard. Rien sur ces cafés anciennement littéraires où flotte encore l'esprit de Fernando Pessoa comme au Martinho da Arcada ou A Brasileira ou encore où s'exprima le féminisme lisboète au Cafe Nicolas. Rien sur ces minuscules bars comme le Ginjinha ou le Eduardino où l'on peut boire, debout, plus souvent dehors que dedans, cette boisson typiquement lisboète, la ginja, liqueur de griottes ou encore au Solar do Vinho do Porto pour déguster l'une des 200 références de Porto et aussi Coisas do Arco do Vinho où l'on trouve la meilleure sélection de crus portugais. Rien sur ces casas da pasto (petits restaurants populaires) d'Alfama où l'on peut déguster une traditionnelle bacalhau à brás comme à la Comidas de Siantiago ou à l'Antiga Casa de Pasto Estrela da Sé qui a gardé son décor du XIXe siècle. Rien sur toutes ces boîtes à fado qui attirent le touriste innocent en quête de folklore, aucune mise en garde, il est pourtant possible de retrouver les vrais amateurs de fado traditionnel au légendaire Clube de Fado, peut être aurez-vous la chance d'y entendre Mariza, la nouvelle Amália Rodriguez, ou alors d'écouter le fado vaido, chanté par des amateurs, à l'A Baiuca. Rien encore sur tous ces anciens music-halls désaffectés haut lieu des revistas de la fin du XIXe siècle qui sont les témoins d'un passé glorieux comme au Parque Mayer avec le Capitolio, l'ABC ou le teatro Variedades, et au teatro Odeon ou Atheneu. Rien non plus sur les boîtes branchées de la nuit lisboète au Keops (house music), au Plateau (pop/rock), au Kremlin (techno) ou au Kapital (tenue habillée de rigueur pour côtoyer la jeunesse dorée de Lisbonne) et au Trumps (première boîte gay de Lisbonne). Enfin, rien sur le vrai magasin de souvenirs, A Vida Portuguesa, vous trouverez dans ce magasin tous les objets réédités des années 50 qui ont fait la jeunesse des lisboètes actuels, des jouets aux ustensiles de cuisine en passant par la papeterie ou la céramique.

Au sujet de Malte, c'est d'une consternante insipidité, au moins dans l'article en français, pas beaucoup mieux en anglais. Rien sur les lieux touristiques à visités pourtant classés au patrimoine mondiale de l'Unesco. Et pourtant cet archipel est d'une grande richesse culturelle avec une histoire qui s’étale sur plus de 7000 ans, depuis les plus anciennes constructions monumentales aux plus récents monuments de l'architecture coloniale et militaire britannique en passant par les palais, auberges, cathédrales, églises et chapelles des Hospitaliers de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Je ne sais pas si l'on trouve ailleurs autant à visiter sur une aussi petite superficie. Hormis ces oublis, les articles ne manquent pas une belle série de bêtises : « le maltais [...] est plein de phrases comme Jekk jogħġbok (S'il vous plaît) et M'hemmx mn'hiex (Il n'y a pas de quoi) qui paraissent provenir, du moins dans leur forme écrite, de Star Trek », « on dit souvent que les maltais ne conduisent ni à gauche, ni à droite mais à l'ombre » sans oublier de préciser « quand il y en a, les arbres étant rares », « Du fait de la superficie réduite des îles, on peut facilement s'y déplacer à pied. » C'est vrai que l'île de Malte ne fait à vol d'oiseau que 28 km par 12, et 14 par 7 pour l'île de Gozo, très certainement une broutille pour un marathonien, mais pour un touriste, je m’interroge ? Avec un réseau extrêmement fourni de bus, qui ne laisse à l'écart aucun village maltais, j'ai rarement vu des touristes en dehors des chemins côtiers. Il est heureusement précisé « Cependant, faites très attention aux véhicules. Ils vous rasent à vive allure et cela est normal pour les maltais. » Si j'ai bien compris la mise en garde sur la façon de conduire des maltais, il suffit de ne pas marcher à l'ombre pour être tranquille ! « Les trottoirs ne sont pas très courants dès que l'on sort un peu du centre-ville. » Précision d'une grande originalité, je ne connais pas beaucoup de pays qui, en dehors des villes, bordent leurs routes de trottoirs en pleine campagne. Les articles sur La Valette ne valent pas mieux.

L'article Malte en italien met le touriste en garde contre la cuisine italienne de deux restaurants, pour l'un les pâtes sont vraiment trop al dente, pour l'autre la pizza n'a rien à voir avec la célèbre spécialité italienne « Da evitare assolutamente il "ristorante" king's own. Anche se i prezzi sembrano molto invitanti, la qualita del cibo e del servizio é veramente scadente. La pasta é semplicemente cruda. Consigliato invece Eddie's café anche se le pizze non somigliano neanche lontanamente a quelle italiane. » Pour manger de la bonne cuisine italienne il suffit d'aller chez Giannini, on sera toujours bien accueilli par les patrons de Giorgio. Heureusement la page Malte en anglais donne quelques adresses pour se restaurer mais hormis le caffé Cordina, une pâtisserie qui est à elle seule une institution maltaise (si vous êtes invité dans une famille maltaise vous ne pouvez pas faire autrement que d'apporter une pâtisserie maltaise soigneusement emballée dans un papier aux armes du caffé Cordina) l'article oublie la Fontanella où les pâtisseries se disputent l’intérêt avec le plus belle vue de l'île. Il passe aussi à coté des quelques lieux qui permettraient de découvrir la cuisine maltaise, même si ce n'est pas de la grande cuisine et même si ce n'est pas à La Valette qu'il faut venir la chercher. Si les maltais aiment diner au The Carriage avec une carte originale à la maltaise ou au Beleview à la cuisine maltaise de qualité et raffinée, ils aiment aussi se restaurer dans les każin de leur ville ou village. Ce sont des clubs de partis politiques ou d'association philharmoniques qui offrent la possibilité de se désaltérer et de se restaurer, comme ils apprécient les pastizzi qu'ils achètent pour boucher un petit creux au kjosk (kiosque) ou dans les pastizzeriji. Il faut citer aussi le San Giuliano, le restaurant de ceux qui veulent se montrer et où vous serez accueilli comme une star, il n'est recommandable que pour sa carte de poissons dont le fameux lampuka, ne surtout pas sortir des poissons, les autres plats proposés ne sont pas à la hauteur du prix. Pour déguster une vrai fenkata (spécialité maltaise de lapin), une seule adresse Il-Barri. À Gozo, ne pas rater la cuisine recherchée du Ta'Frenc installé dans une ancienne farm-house parfaitement rénovée. Si la vie nocturne est particulièrement concentrée à Paceville, elle y est aussi très jeunes, au Havana ou au Footloose (techno), l'immense Empire (house music) ou encore Fuego (salsa/latino). Dans un autre genre (live music ou piano bar) le BJ's Night Club fait une part belle au jazz et au blues quant au Tom Bar ou au Klozet Club, ils se réservent une clientèle LGBT, ce qui est peu évident dans un pays catholique pratiquant à plus de 95 %.

Pour finir, l'article sur Malte dans Wikivoyage en français se termine par une section qui dit bien ce qu'elle veut dire : « Avis d'un émigré », il n'y a même pas besoin de se cacher pour insérer son opinion personnelle en lieu et place de sources ou de références !

Voilà quelques exemples qui ne font malheureusement pas exception, tous les Wikivoyages sont sur le même modèle, pas une destination pour en relever une autre. Wikivoyage anciennement fork de Wikitravel, ou aujourd'hui Wikitravel miroir de Wikivoyage ne sont vraiment pas à la hauteur du plus piètre des guides touristiques.

Ainsi va mal Wikivoyage.

PS : sur demande, je tiens à disposition toutes les adresses des lieux cités ici et d'autres encore.